Comment la crise en Irak déstabilise les prix du pétrole ?
Le prix du pétrole a fortement varié ces dernières semaines sous l’impulsion des rebelles de l’Etat islamique en Irak et au Levant, provoquant une flambée de prix du pétrole et par conséquent des prix du fioul.
Les derniers mois, les prix du pétrole avaient plutôt une orientation à la baisse. Une tendance initiée tôt le mois de janvier 2014, largement soutenue par un hiver aux températures douces. En arrivant dans les mois plus doux, les prix moyens ont continué à diminuer pour atteindre les niveaux de 2011. Mais la situation a brutalement évolué durant le mois de juin avec les troubles croissants en Irak qui ont fait trembler le marché des matières premières entraînant une flambée des prix du pétrole.
Comment la situation en Irak influence le prix mondial du pétrole ?
De façon identique aux troubles en Syrie à la fin d’août 2013, la progression des troupes de l’Etat islamique en Irak et au Levant provoque de graves préoccupations pour les marchés pétroliers. La Syrie n’est pas un pays producteur de pétrole, mais le pays contrôle des pipelines critiques pour l’approvisionnement mondial, par conséquent les prix ont flambé d’environ 10 dollars le baril. L’Irak est lui le second producteur de pétrole de l’OPEP et exporte environ 3,3 millions de barils de pétrole brut par jour. Ce qui correspond environ à 4% de l’offre mondiale de pétrole. Quatre pour cent peuvent ne pas représenter beaucoup, mais il faut prendre en compte que si l’Irak ne produisait plus de pétrole cela éliminerait potentiellement toute réserve de l’OPEP et conduirait inévitablement à de fortes hausses de prix.
L’offre de pétrole actuelle est aussi importante que la future offre de brut. On estime que l’Irak représente la 5ème réserve prouvée de pétrole brut au monde ; et constitue ainsi un moyen potentiel d’augmenter la production et de fournir le monde en pétrole. Jusqu’à présent, l’Irak s’est concentré sur le développement de ses exportations de pétrole pour augmenter sa production de 22% depuis 2011. En effet, le moteur de ce développement est économique. En Irak, le pétrole fournit 90% des revenus gouvernementaux et représente 75% du PIB du pays. On estime que d’ici 2019, la production pourrait être de 4,6 millions de barils par jour et certaines estimations vont jusqu’à 8 millions de barils produits chaque jour. C’est une quantité importante de pétrole, mais l’économie mondiale continue également son développement et le monde va avoir besoin de capacité supplémentaire pour faire face à la demande croissante.
Comment vont évoluer les prix du pétrole ?
A l’heure actuelle, la progression des troupes de l’Etat islamique en Irak et au Levant vers Bagdad a fait flamber les prix d’environ 5% pour atteindre la plus forte hausse depuis 9 mois à 115 dollars le baril. Nous n’avons pas encore atteint les niveaux observés lors de la crise syrienne l’été dernier, mais les analystes prédisent que si les exportations de pétrole de l’Irak venaient à se tarir, les prix pourraient dépasser 120 dollars le baril. Victor Shum, vice-président d’IHS Energy Perspectives a déclaré à Bloomberg qu’il s’attend à voir une augmentation d’au moins 10 à 15 dollars le baril.
Savoir si les prix vont à nouveau atteindre des sommets se résume à savoir si les troupes de l’Etat islamique en Irak et au Levant sont capable de perturber les exportations en attaquant physiquement les champs pétrolifères pour en prendre le contrôle dans le Sud du pays, là où se concentre 75% de la production ou si ces troupes décident, comme c’est le plus probable, de perturber l’approvisionnement en ciblant les infrastructures qui soutiennent le régime à Bagdad. On observe déjà des preuves de cette dernière situation avec des attaques sur la principale raffinerie de Baiji près de Mossoul qui produit 310 000 barils par jour pour un usage à l’intérieur du pays. En effet, Baiji se trouve également être un fournisseur d’énergie primaire à Bagdad. Des rapports indiquent également que les rebelles ont pris le contrôle du barrage de Haditha ce qui pourrait conduire à des perturbations en électricité à l’échelle du pays.
Bien sûr, les troubles en Irak ne sont pas les seules causes de préoccupation en matière de hausse des prix du pétrole brut. La situation tendue en Libye, les tensions croissantes entre la Russie et l’Ukraine et l’instabilité politique au Venezuela et le Nigeria sont tous des sources potentielles de hausse des prix.
Quel impact sur les prix du fioul en France ?
Les derniers mois, nous avons été relativement chanceux que les températures soient en notre faveur, provoquant douceur et prix du fioul à la baisse. La croissance fut également ralentie en Chine, entraînant un ralentissement de la demande de pétrole. Cependant si l’agitation se poursuit, ou gagne en intensité, l’incertitude concernant l’Irak se poursuit, et il est très probable que les prix du fioul augmentent ces prochaines semaines.
Les prix du fioul ont rapidement augmenté avec la nouvelle de la progression des rebelles en Irak. La hausse des prix a été soutenue par les consommateurs de fioul qui craignant une hausse des prix à cause du conflit ont été nombreux a passé commande de fioul durant le mois de juin. Chez FioulReduc, nous avons constaté un pic de commandes de fioul à la mi-juin. Face à l’augmentation de la demande, les prix du fioul ont augmenté pour se replier légèrement depuis. Toutefois, si les prix du pétrole venaient à augmenter à nouveau, le prix du fioul serait inévitablement affecté mais il est difficile de prévoir de combien.
Nous ne savons pas combien de temps l’incertitude en Irak est susceptible de durer. Il semble que les Américains ne soient pas pressés d’intervenir et d’essayer de sécuriser la situation ce qui pourrait signifier, comme en Syrie, que le conflit pourrait se prolonger pendant plusieurs mois. Pour rappel, lors des crises en Syrie, une fois que les premières hausses de prix du pétrole brut furent arrivés, les prix ont tenu pour un très court laps de temps (environ 3 – 4 semaines) avant de retomber à leurs niveaux d’avant la crise, une fois que les spéculateurs pétroliers aient réalisé que les Etats-Unis n’allaient pas bombarder la Syrie. Cette situation pourrait se reproduire en Irak et l’on observe déjà des pistes de stabilisation des prix du pétrole, mais autour de 115 $ par baril. Toutefois, si le conflit ne s’éternise pas vers l’automne et l’hiver, d’autres pressions sur les prix causés par une demande croissante en fioul domestique vont entretenir la hausse des prix, peut-être plus élevée que ce qu’ils auraient été sans conflit.